La rousseur a depuis longtemps fascinée les hommes et parfois à l’excès. Jadis, bien souvent, on associait la chevelure rousse aux ténèbres, aux maléfices et à la sorcellerie ! Au contraire, certaines sociétés vouaient et vouent toujours un véritable culte à la rousseur.
Jean-Jacques HENNER (1829-1905) "Beauté rousse" Huile sur toile 33x24,5cm. Galerie Kiwior, Strasbourg
Propre au continent européen, et plus particulièrement à l’Ecosse et à l’Irlande, la chevelure rousse est bien présente dans la conscience de l'Alsace ! Certes plus rare que dans les anciennes contrées celtiques, mais tout à fait reconnue dans la région, elle a durant le XIXe siècle, trouvée un écho tout à fait particulier dans la peinture alsacienne.
L’introduction de la rousseur dans la peinture se fit très tardivement dans l’histoire de l’art en Europe. Il faut attendre, la constitution du groupe des préraphaélites en 1848, dans un Royaume-Uni en pleine expansion industrielle. Les préraphaélites prennent conscience de l’inertie de l’académisme. Ils veulent apporter de la vérité dans l’art et ne pas s’arrêter aux canons de l’esthétique imposés par l’académie d’antant. Il s’agit d’un art total, lié aux hommes, lié à la terre, et à la conscience. Par excellence, la femme rousse était une effigie tout à fait indiquée dans la posture de ce mouvement artistique écossais face à l’écrasant dictat de l’art officiel victorien.
L’effigie rousse sera rapidement reprise en France avec l’avènement du mouvement symboliste, qui connaîtra une vogue dans le monde occidental à partir du milieu du XIXe siècle. Toutes les capitales des arts sont touchées par ce mouvement, qui lui, s’attarde d'avantage à la mystique des hommes et au symbole. La rousseur prend alors un tout autre visage. La rousseur est associée à la passion, au pouvoir, à l’amour. Mais cette couleur est ambivalente, elle peut aussi exprimer la méfiance, le danger, la mort !
Auguste ZWILLER (1850-1939) "Jeune femme nue" Huile sur panneau 19,5x12cm. Collection particulière,Strasbourg. Provenance : Galerie Kiwior
Les peintres français qui ont été inspirés par cette effigie comptent parmi les plus grands noms de la peinture : Gustave Moreau, Félicien Rops, Auguste Renoir,Toulouse Lautrec et bien évidemment Gustave Courbet avec sa toile ; « Jo, la belle Irlandaise ». Mais, pour compléter ce parfait panel d’artistes, il faut citer le peintre qui a totalement associé son art à la chevelure rousse : Jean-Jacques Henner.
Henner, peintre originaire d’Alsace avait peint, et repeint ses modèles de femmes rousses. C’est pourtant à Paris qu'il élabore l’égérie de sa peinture, celle qui fera sa renommée internationale. Est-ce par nostalgie de l’Alsace, ou tout simplement par amour des rousses, qu’Henner approfondissait son art envers la rousseur ? Nous ne serions le dire. Décrié, critiqué pour la répétitivité de la femme rousse dans ses tableaux, Jean-Jacques Henner ne pliait pas. Il fera jusqu’à la fin de sa vie, de la belle rousse, son unique symbole artistique. Etonnant parcours d’artiste, qui pourtant n’affecte en rien son œuvre, bien au contraire.
Les femmes de Henner, ont une chair nacrée, une chevelure longue, d’un rouge vif et rutilant. Tel un mirage éphémère, le spectateur attiré, cherche dans l’obscurité des compositions de Henner, à atteindre ces beautés immortelles. Insaisissables, inaccessibles, les belles rousses d’Henner font rêver encore aujourd’hui les amateurs de belles créatures !
Carl JORDAN (1863-après 1918) "Faune tenant son enfant" Huile sur toile 67x52,5cm. Collection particulière. Provenance : Galerie Kiwior
Il est évident, que Jean-Jacques Henner a initié toute une école autour de l’effigie de la rousse et de nombreux artistes alsaciens se sont inspirés de son exemple et ont succombés à leur tour aux belles rousses. Le plus prolixe fut sans aucun doute Marie-Auguste Zwiller qui suivait alors les traces de sont maître, il fit également de la belle rousse l’une de ses plus fidèles figures. Many Benner, élève d’Henner s’ennivrera complètement dans le nu ! Léon Hornecker était aussi épris de la rousseur et en représentait la rêverie. Lothar von Seebach, qui affectionnait plusieurs modèles, comptait parmi elles, une rousse d’un rouge feu tout à fait surprenant qui fit sensation à Strasbourg.
Ces artistes alsaciens ont célébré leurs rousses, celles d’une chevelure vive et flamboyante ! Symbole de révolte, symbole sourd du grondement de la conscience alsacienne à l’époque de l’Alsace allemande sous le joug de la Prusse. L’effigie alsacienne prend alors un tour politique inattendu et quitte la sphère romantique d’Henner. La beauté rousse tantôt irrésistible, tantôt ardente, a largement servi la cause alsacienne durant le XIXe siècle. Ce particularisme de la peinture alsacienne s’évanouit peu après la fin de la Grande Guerre en semblant être oublié dans l’inconscient collectif de notre pays. L’œil d’aujourd’hui retient plus volontiers, la rousseur comme une effigie ardente et passionnelle et la résurgence des cultures d’Europe septentrionale semblent l’indiquer.
Léon HORNECKER (1864-1924) "Rêverie" Huile sur toile 73x54cm. Galerie Kiwior
Mais, la passion pour cette couleur ne s’est pas éteinte pour autant. Nous pouvons admirer avec évidence que la rousseur est toujours autant admirée par nos contemporains. Miss France Alsace 2012 le prouve aujourd’hui encore.