Villa Knopf - rue Schiller à Strasbourg - architecte G. Krafft

Villa Knopf - rue Schiller à Strasbourg - architecte G. Krafft

Gustave Henri Krafft 1861-1927

architecte, mais pas seulement …

Un artiste-aquarelliste talentueux, au même titre que Charles Spindler, Henri Zuber ou Jean-Jacques Waltz.
En effet, Gustave Henri Krafft est bien plus connu pour ses nombreuses réalisations architecturales à Strasbourg, en duo, avec Julius Berninger. Mais l’aquarelliste n’est pas dissociable de l’architecte et vice versa. Un bon architecte se doit d’avoir un regard d’esthète, pour magnifier une construction, et Krafft en était un, sans aucun doute.
Après des études secondaires, le jeune Krafft s’oriente dans les études d’architecture, dans les pas de son père, qui fut ingénieur civil à Strasbourg. Dès 1878, Gustave Krafft suit l’enseignement à la Polyteschnischeschule de Stuttgart. Deux ans après, Krafft s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de Paris. Après cinq années passées à l’école, et sous l’influence du professeur Jean-Louis Pascal, Gustave Henri Krafft est reçu premier du concours. Fort de cette distinction, Krafft poursuit sa formation, à travers un long voyage dans le Moyen-Orient. Il se rend à Athènes, puis en Turquie, en Syrie, en Palestine, jusqu’en Egypte devant les pyramides de Gizeh et le Sphinx. De ce grand voyage, Krafft apporta de nombreuses aquarelles, des vues de la mer méditerranée, des paysages urbains ou paysages du désert. Il s’imprégna du classicisme des anciennes civilisations et des vestiges de l’Antiquité. Il paracheva ainsi son art et sa formation.
De retour à Strasbourg, Krafft ne trouvait pas d’emploi stable et s’engageait à nouveau dans un autre voyage. Cette fois-ci, le périple devait l’emporter en Italie, en Sicile, en Tunisie, jusqu’à El-Kantara en Algérie, cette fameuse et magique porte du désert, que tant d’artistes ont fréquentée. Dès cette époque, Krafft dispose d’un trait sûr et adroit. Il compose, des aquarelles, avec des tons chauds et harmonieux. Il était aussi capable de superposer les teintes, et les mariait avec adresse. Vue de Capri - Italie - aquarelle de Gustave Krafft
Vue de Capri - Italie - aquarelle de Gustave Krafft
On pourrait presque qualifier ses aquarelles « d’impressionnistes », tant il a usé d’une gamme colorée et recherché la lumière pour ses compositions.
Vers 1889, Gustave Henri Krafft est de retour à Strasbourg.

Cette époque, est marquée par son association avec l’architecte et ami Julius Berninger, un strasbourgeois, qu’il avait rencontré à l’école des Beaux-Arts de Paris.

Il deviendra, quelques années plus tard, son beau-frère. Berninger avait collaboré auparavant avec l’architecte Auguste Brion, lui aussi influencé par l’art français.Magasin Knopf à Strasbourg Rue des grandes arcades
Magasin Knopf à Strasbourg Rue des grandes arcades
Dans ce duo éclectique, Gustave Henri Krafft se chargeait de la création et de la technique et Julius Berninger de l’aspect commercial et administratif de leur affaire. Ils n’obtinrent pas de commandes publiques, mais leur virtuosité avait pu s’épanouir dans les immeubles de rapport, les usines et les villas.
Le bureau d’architecture Berninger & Krafft fut actif de 1895 à 1914. Nous nous bornerons simplement à citer les réalisations les plus importantes ci-dessous :
- Le Hauptrestaurant - (1894) – parc de l’Orangerie Strasbourg (détruit en 1961 pour vétusté)
- La fontaine Stoeber - (1895) – place du Vieux-Marché-aux-vins Strasbourg (existant)
- Le magasin Manrique - (1897) – rue des grandes arcades Strasbourg (existant mais remanié)
- Le magasin Knopf - (1898) – rue des grandes arcades Strasbourg (partiellement détruit en 1944)
- La maison Blankenburg – place Broglie Strasbourg (existante)
- Le magasin Erlenbach - (1901) – rue de la mésange Strasbourg (détruit dans les années 20)
- La villa Stempel - (1903) – rue Erckmann-Chatrian (existante)
- La villa Knopf - (1904) – rue Schiller Strasbourg (existante)
- La maison Volkskunst - rue du parchemin Strasbourg (existante)
- Le magasin Magmod - (1912-1914) – rue du 22 novembre Strasbourg (actuellement Galeries Lafayette)Maison Blankenburg - place Broglie - Strasbourg
Maison Blankenburg - place Broglie - Strasbourg
Le cabinet Berninger & Krafft s’était fait une spécialité de l’usage des structures métalliques, des grandes verrières et des baies vitrées. Ils avaient réalisés les usines de l’ébénisterie Jacquemin, l’usine Rollbahnfabrik Tischauer, et les ateliers Caddie, dans la cité industrielle de Schiltigheim. Berninger & Krafft étaient familiers des nouveaux matériaux de construction (les poutres d’acier, les verrières, les parterres en céramique,…) et des équipements modernes (l’éclairage électrique, le chauffage au gaz). La construction d’usines fonctionnelles, servait à ouvrir leur lexique architectural.
Le duo d’architectes, s’est illustré dans différents styles : le néo-renaissance, néo-régionalisme (Consulat d’Italie à Strasbourg, maison Volkskunst), le classicisme (Le magasin Magmod) et bien entendu dans le Jugendstil (Magasin Knopf – villa Stempel).
Les réalisations sont très variées, cela est dû à l’éclectisme de la société strasbourgeoise d’antan. Le Cabinet Berninger et Krafft, sera le meilleur représentant du Jugendstil strasbourgeois. Fortement influencé par l’Art Nouveau parisien d’Hector Guimard (pour son l’aspect floral) ainsi que l’école de Nancy, il empruntait aussi à l’architecte anglais Charles Francis Voysey un certain esprit cottage pour leurs constructions. On remarque le souci d’harmonie des constructions avec l’environnement urbain, respectant les architectures passées, tout en restant très moderniste. Là, se retrouve le souci permanent de Gustave-Henri Krafft qui aimait tant le vieux Strasbourg, et ses ruelles tortueuses, du bain aux plantes, de la rue de l’ancienne douane, ou de la place de la Cathédrale, ... La préservation du patrimoine était l’une des préoccupations de Gustave Henri Krafft. Ses aquarelles du vieux Strasbourg étaient recherchées pour le pittoresque du centre-ville. Les constructions du passé, s’étaient accumulées patiemment, peu à peu, et avaient formé une accumulation en symbiose. Cette symbiose était bouleversée par les événements, le siège de 1870, le désenclavement de la ville. En quelques décennies, la ville de Strasbourg se transformait. Il fallait un architecte délicat, comme Krafft, pour faire émerger de terre, de superbes bâtiments. Vue de la Petite France - Strasbourg, aquarelle, Gustave Krafft
Vue de la Petite France - Strasbourg, aquarelle, Gustave Krafft
Nous constatons avec joie que de nombreuses constructions de la Neustadt ont contribué à renouveler la ville, avec une véritable volonté de continuer cette magique accumulation d’architecture. Depuis, les constructions modernes, hyper confortables, cherchent à épater, mais ne se préoccupent pas du tout d'équilibre, et tout cela au détriment de l’harmonie et de l’esthétique, d’une ville millénaire.

La construction la plus audacieuse fut la réalisation du magasin Knopf, véritable manifeste, de l’Art Nouveau à Strasbourg.

Un grand hall accueillait les visiteurs. Il était ouvert sur des grands escaliers, qui menaient aux différents étages du magasin. Partout, des luminaires, des grandes baies vitrées, qui modernisaient l’idée du commerce. Le magasin était baigné par la lumière de la grande verrière. Cette réalisation s’inspirait fortement du magasin du Printemps à Paris créé par l’architecte Paul Sédille. Cette construction fut une prouesse architecturale qui ne défigurait pas le vieux Strasbourg, tout en modernisant la ville. Ceci ne pouvait qu’être le fruit d'un grand artiste, d’un grand esthète.
A côté de son activité d’architecte, Gustave Henri Krafft intégrait très tôt le jeune milieu artistique alsacien des années 1890. En effet, à l’aube de cette décennie, se constituait un foyer artistique de tout premier ordre à Strasbourg. En 1895, Krafft s’était illustré lors de la conception du « Hauptrestaurant » pour la Industrie und Kunstgewerbe Ausstellung (exposition d’industrie et d’art décoratif) de l’Orangerie à Strasbourg. Il rencontrait cette jeunesse créatrice qui émergea à partir de rien. Krafft exposait déjà en ce temps à Paris et à la société des amis des arts de Strasbourg. Mais dès cette époque, il s’attachait à ce groupe d’artistes composé de : Lucien Blumer, Léon Hornecker, Alfred Marzolff, Georges Ritleng, Joseph Sattler, Emile Schneider, Charles Spindler, Emile Stahl, Gustave Stoskopf,…
Krafft était membre du Kunschthafe, du célèbre mécène Auguste Michel. Il participait à l’exposition des artistes alsaciens de 1897 et 1903. Il allait même devenir un membre fondateur du cercle de Saint-Nicolas autour de l’artiste Emile Schneider.Marchandes aux alentours de Strasbourg - aquarelle G. Krafft
Marchandes aux alentours de Strasbourg - aquarelle G. Krafft
Ce dernier, rassemblait autour de lui les plus jeunes et ardents défenseurs de l’art. Krafft avait un attrait sans pareil pour ce groupe de jeunes artistes, lui étant l’aîné. Il aimait là rencontrer des poètes, le jeune Ernst Staedler ou René Schikelé, les frères Matthis… Il y exposera, de 1902 à 1914, sans interruption.
Les aquarelles de Gustave Henri Krafft connaissaient un pareil succès d’années en années. Elles sont très réalistes, ayant une touche de peintre sur du papier buvard. Il dessinait au préalable un dessin à la sanguine, un rouge ocre léger, qui ne laisse pas comme le crayon noir, ou pire l’encre, la lourdeur du trait, bien trop encombrant. Non, l’aquarelle est une technique légère, et délicate, qui s’accommode très difficilement d’un coup de crayon dru. Avec une fine trame de crayonné, il posait les aplats de couleurs pour les façades, les champs ou le ciel. Il travaillait « dans le mouillé » comme disent les aquarellistes. C’est une technique qui demande beaucoup d’adresse et une connaissance de la matière. Il s’agit d’opérer de larges dégradés, de faire un fond avec un papier totalement ou partiellement humide. Les teintes hautement liquides s’éparpillent et inondent la feuille. Les teintes aquarellées se diffusent et donnent un fond de base, qu’on peut retoucher, gratter, essuyer, atténuer, voire supprimer. Là réside tout l’attrait « du mouillé ». Les pigments s’étirent sur le papier, forme des beaux et réguliers dégradés. C’est vous dire ce qu’on peut réaliser dans le mouillé. Ce fond acquis, il ne reste à l’aquarelliste, avant que le mouillé ne sèche totalement, et avec fort entrain, plus qu’à poser vigoureusement et adroitement tous les détails qu’il veut suggérer : une toiture, un feuillage, la réverbération sur l’eau, une passante.
Pour travailler dans le mouillé, il faut savoir enlever son sujet ! Il faut avoir scruté et observé une ruelle, un paysage pour en capter l’essentiel. Gustave Henri Krafft ne travaillait pas seulement à Strasbourg. Il avait emporté son chevalet jusqu’aux portes du désert. Emportant son fatras d’aquarelliste, il pouvait se poser partout. Rien que l’Alsace le vît au mont Sainte-Odile, au Château du Haut-Koenigsbourg, à Dambach, à Niedernai, à Solbach, etc… Vue de la Cathédrale de Strasbourg, aquarelle, Gustave Krafft
Vue de la Cathédrale de Strasbourg, aquarelle, Gustave Krafft
Un artiste est toujours en quête, Gustave Henri Krafft était à la recherche de ces endroits superbes qui parsèment la terre. Une fois la beauté repérée, il posait judicieusement son impression sur papier. Ce globe-trotter se rendait un peu partout, vers la mer du Nord, dans les Alpes françaises, en Suisse, … Jamais, cette soif du voyage se tarissait.
Même si la Grande Guerre (1914-1918) achève pour lui une période de sa vie, il n’abandonna jamais l’aquarelle. En effet, il devait subir la triste perte de son fils. Le Cabinet d’architecture avait cessé de réaliser des constructions dès l’entrée en guerre. Il perdait d’ailleurs son fidèle collaborateur quelques années plus tard. En 1921, il devient professeur à l’école régionale d’architecture à Strasbourg. Il accompagne les élèves et travaille le modelage et les dessins avec eux. La même année, il reçoit les palmes académiques, et l’année suivante reçoit la grande médaille d’architecture. Une bien belle carrière s’était offerte à lui, mais il ne devait pas en jouir longtemps. Il exposait encore très souvent à la Maison d’art alsacien, avec ses amis artistes alsaciens lors de grands évènements. Il disparaît en septembre 1927, peu après l’été dans la Drôme auprès de sa famille. Strasbourg lui rend encore un dernier hommage, au Musée Historique de la ville. Pourquoi ce lieu ? On ne serait trop le dire. Toujours est-il qu’il avait inscrit dans les mémoires sa passion du paysage, et surtout celle pour le vieux Strasbourg.Vue du Haut-Konigsbourg, aquarelle, 1906 Gustave Krafft
Vue du Haut-Konigsbourg, aquarelle, 1906 Gustave Krafft
Vue de la Panne en Belgique, aquarelle, Gustave Krafft
Vue de la Panne en Belgique, aquarelle, Gustave Krafft

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