Philippe Steinmetz assis

Philippe Steinmetz assis

Philippe STEINMETZ (Landau, 1900 - Landau, 1987)

par Sophie-Elisabeth S.

Philippe Steinmetz est né le 15 septembre 1900 dans le Palatinat à Landau où son père ( famille originaire de Neuwiller – les – Saverne) comme tous les jeunes Alsaciens (l’Alsace est allemande depuis 1870) remplit ses obligations militaires. A son retour à la vie civile il choisit le métier d’huissier de justice et obtient son premier poste en 1904 à Hirsingue (Haut – Rhin) .C’est là que le jeune Philippe fréquente l’école primaire montrant déjà un goût prononcé pour le dessin.

"Canal de la Marne au Rhin" Huile sur carton. SbD. 50,5x42,5cm. Collection particulière.
"Canal de la Marne au Rhin" Huile sur carton. SbD. 50,5x42,5cm. Collection particulière.
"Paysage lorrain" Huile sur toile. 55x46cm. SbD. (Epoque de Nancy). Collection particulière.
"Paysage lorrain" Huile sur toile. 55x46cm. SbD. (Epoque de Nancy). Collection particulière.
En 1909 la famille déménage à Bischwiller où son père occupe le poste d’huissier de justice au tribunal cantonal et le restera jusqu’à sa retraite .Philippe y fait ses études au collège de la ville puis en 1916 – 17 au lycée Kléber à Strasbourg
En 1917 – 18 il est incorporé dans l’armée allemande comme radiotélégraphiste à Bad Kreutznach.

"Le port de Dunkerque". Huile sur panneau. 61,5x74cm. SbD. Collection particulière.
"Le port de Dunkerque". Huile sur panneau. 61,5x74cm. SbD. Collection particulière.
L’Alsace redevenue française, il entre en 1918 à l’Ecole des Arts Décoratifs de Strasbourg dont le directeur est Emile Schneider et suit les cours d’Auguste Cammissar , de Carl Jordan ,de Georges Daubner ,de Daniel Schoen. L’Ecole préparait les élèves à la carrière de professeur de dessin mais elle avait aussi la possibilité de faire passer cet examen aux candidats qui s’étaient soumis à un plan d’études sérieusement élaboré. C’est ainsi que sortit de cette école une jeune équipe qui embrassa la carrière de professeur comme gagne – pain mais qui au fond ne visait que l’art : Albert Thomas, Charles Schenckbecher …C’est aussi le cas de Philippe Steinmetz dont les parents avaient mis une condition à la réalisation de son rêve de devenir peintre, celle d’avoir un métier à savoir celui d’enseignant.
"Le Rothbächel - Bischwiller". Huile sur panneau SbG. Collection particulière.
"Le Rothbächel - Bischwiller". Huile sur panneau SbG. Collection particulière.
"Vue de la salle à manger sur Nancy". Huile sur panneau. Sbd et datée 1935. Collection particulière
"Vue de la salle à manger sur Nancy". Huile sur panneau. Sbd et datée 1935. Collection particulière
C’est ce qu’il fait en 1922 en passant avec succès ( 4 reçus sur 54 candidats) un examen national lui octroyant le titre de « Professeur de dessin de degré supérieur »
Son amitié avec Paul Weiss peintre bischwillerois se renforce, il avait fait sa connaissance au lendemain de la guerre lors de la première exposition de celui - ci dans les vitrines de la librairie Bertrand à Bischwiller
Les deux amis se retrouvent à Paris en 1922 – 23 où ils fréquentent l’Académie Julian. Mais c’est aussi dans les musées qu’ils s’instruisent, au Louvre (école hollandaise ,Rembrandt),dans les Galeries de peinture et surtout dans un petit musée (aujourd’hui disparu) dans le jardin du Luxembourg où la ville de Paris présente les « écoles modernes » à savoir le courant impressionniste.

En 1923 il devient membre de la Société des Artistes Français, des Artistes Indépendants de Paris et expose au Grand Palais.
C’est aussi en 1923 qu’il entame sa carrière de professeur de dessin au lycée Jean Bart à Dunkerque Ce sont de nouveaux paysages qui s’offrent à son inspiration : les plages, les dunes, le port, les terrains vagues des banlieues industrielles, la mer, les ciels toujours changeants.

"Neuwiller les Saverne". Huile sur panneau. 60x74cm. SbD et daté 1945. Collection particulière
"Neuwiller les Saverne". Huile sur panneau. 60x74cm. SbD et daté 1945. Collection particulière
Il s’essaye à différentes techniques : aquarelles, lithographies, dessins au crayon ou au pinceau, huile sur toile ou panneau rigide . Il laisse libre cours à son inspiration s’appuyant sur « une science remarquable du dessin » sur un choix judicieux des teintes, toujours à la recherche des tons justes pour rendre la vibration de la lumière rappelant les peintres Seurat, Signac, Le Sidaner. Ces mêmes techniques se retrouvent également dans des paysages d’Alsace réalisés à cette époque.

"L'Ill à Strasbourg - église St-Etienne" Huile sur panneau 38x46cm. SbD et datée 1947. Collection particulière.
"L'Ill à Strasbourg - église St-Etienne" Huile sur panneau 38x46cm. SbD et datée 1947. Collection particulière.
Il devient membre des Artistes Dunkerquois et expose à Dunkerque en 1926 et à Paris .
Le 22 août 1925 il épouse Elisabeth (Elsa) Baumer fille de Henri Baumer marqueteur, ébéniste et historien de Bischwiller. En 1928 naquit leur fille Monique.

Pendant toute la période où il vécut à Dunkerque il a participé à des expositions tant dans cette ville qu’à Paris et en Alsace
En 1931 Philippe Steinmetz est nommé au lycée Faidherbe à Lille, c’est une nouvelle étape dans son évolution artistique. Les paysages industriels de France et de Belgique, la crise, la misère sociale et surtout sa rencontre avec la peinture de l’artiste belge James Ensor vont renouveler ses sources d’inspiration et sa manière de peindre. Masques, carnavals, scènes de rue sont peints avec plus de force, d’énergie, les couleurs plus vives sont étalées souvent au couteau ,la pâte est plus épaisse le dessin est plus dépouillé. Un sentiment de tristesse, de « misérabilisme » transparait dans certaines de ses œuvres.
Il devient membre des Artistes lillois , participe à des expositions à Lille , Besançon , Strasbourg.
Pour resserrer ses liens avec le milieu artistique alsacien il adhère à l’ AIDA ( Artistes indépendants d’Alsace).
Pendant la période lilloise Steinmetz fut aussi « professeur d’art » dans « Le Dessin : Revue d’Art ,d’ Education et d’ Enseignement », journal des éditions d’enseignement artistique. Il écrit de nombreux articles ; l’un d’eux retiendra particulièrement l’attention « Les non – doués au cours de dessin » où il fait appel à sa propre expérience et avance quelques méthodes d’enseignement.

"Sous-bois". Huile sur isorel. 74x60cm. SbG. Collection particulière.
"Sous-bois". Huile sur isorel. 74x60cm. SbG. Collection particulière.
En 1934 il est muté à Nancy centre artistique vivant et proche de l’Alsace. Il enseigne au lycée Henri Poincaré et à l’école primaire supérieure ,il devient membre de la Société des Artistes Lorrains et continue d’exposer régulièrement : Galerie Poirel, Galerie Mosser, Galerie Thiébault, Magasins Réunis à Nancy mais aussi à Strasbourg.
Sa peinture s’oriente vers de des scènes d’intérieur ( vues depuis sa fenêtre ), des bouquets, des natures mortes ( la table de la salle à manger), des aspects urbains ( la gare de Nancy ), des paysages, des rivières et des canaux ( inondations en Lorraine , le canal de la Marne au Rhin ) des villages lorrains mais aussi des nus et des portraits ( son ami suisse, sa fille Monique). C’est une période plus impressionniste - « un impressionnisme constructif » disait – il. Il recherche continuellement à élargir ses possibilités d’expression, sa véritable voie ; ses couleurs sont mises en place avec plus de légèreté et moins d’épaisseur, c’est un art plus personnel où il fait transparaitre ses états d’ âme .

"Le pont dans un village". Huile sur carton. 31x39cm.  SbD. Collection particulière
"Le pont dans un village". Huile sur carton. 31x39cm. SbD. Collection particulière
Sur proposition du ministre de la culture il est décoré des Palmes académiques en 1937 .
Une solide amitié lie Philippe Steinmetz à d’autres artistes de Nancy avec lesquels il expose en 1941 (le groupe des 4) il s’agit de Nicole Gauthier , Léon Husson et Daniel Meyer ( sculpteur qui fit un buste en bronze de Steinmetz en 193 , celui – ci avait fait un portrait de lui en 1938)

Depuis Nancy Steinmetz rejoignait souvent Neuwiller - les - Saverne où il retrouvait ses amis peintres Albert Thomas de Saverne , Ernest Werlé de Haguenau, M.Rodier et Mme Rodier – Kientz de Strasbourg, M. et Mme Bresse de Paris, l’ami de toujours Paul Weiss, rejoints parfois par Jacques Gachot ou Georges Daniel Krebs. Le petit groupe peignait alors dans la région allant parfois dans les villages de la plaine et du Ried ( Sessenheim, Dalhunden, Drusenheim, Offendorf, Roeschwoog, Herrlisheim ) parfois ce sont les Vosges qui les attirent de La Petite Pierre jusqu’à Thann.
La seconde guerre interrompt son parcours, Philippe Steinmetz est mobilisé en 1940 dans l’armée française à Nancy d’abord puis lorsque l’armée allemande occupe la ville son unité s’est repliée sur Lyon.

A la fin de la guerre il obtient enfin un poste à Strasbourg au lycée Kléber, puis au gymnase Jean Sturm et au lycée Fustel de Coulanges jusqu’à sa retraite en 1966. Il s’installe alors avec ses beaux – parents dans la maison Baumer, 19 rue des charrons à Bischwiller ( actuellement Maison des Arts annexe du musée de la Laub)
En 1945 il est promu Officier des Palmes académiques.

Il retrouve le Ried, la Moder, les bras morts du Rhin et les barques dans les roseaux, les forêts, les villages (Sessenheim, Oberhoffen, Gries, Hanhoffen ) les quartiers et les rues de Bischwiller (rue de la Couronne ). Il atteint sa maturité technique, donne plus de réalisme et de vigueur à ses œuvres qui sont plus abouties, plus expressives. Pas une année ne se passe sans expositions (individuelles ou collectives) Maison d’Arts Alsacienne, Pavillon d’Art contemporain au Wacken, Galerie Aktuaryus, expositions Noël de l’ AIDA, Librairie Octave Landwelin à Strasbourg, mais aussi à Tulle en 1948 où demeure un cousin de sa femme, à Niederbronn-les – Bains, à Colmar, au musée de Haguenau, à Kandel dans le Palatinat.

1966 est une année charnière, une délivrance, le métier d’enseignant lui laissait du temps libre pour peindre, la retraite lui permet de vivre pleinement sa passion et d’élargir son horizon. A partir du milieu des années 60 la « Südpfälzische Kunstgilde Bad Bergzabern » (Palatinat) noue des relations de plus en plus étroites avec les artistes bas – rhinois et en 1966 a lieu une exposition au Pavillon Joséphine à l’Orangerie à Strasbourg des artistes du Palatinat. C’est là que Philippe Steinmetz fait la connaissance d’une artiste peintre très connue à Landau Maria Striefler. Ce fut une amitié artistique qui au fil du temps devint de plus en plus intime et Landau, la ville où il est né devint « sa seconde patrie », une sorte de retour aux sources. Il va vivre et peindre des 2 côtés de la frontière entre l’Alsace et le Palatinat. Ses thèmes restent les intérieurs, les bouquets, les natures mortes, les portraits, les scènes du quotidien dans la maison, dans le jardins, le port ou la gare de Strasbourg, s’y ajoutent des scènes de kermesse ,de cirque et des retours sur le passé avec le port de Dunkerque ou le canal de la Marne au Rhin d’un tout autre style qu’à l’époque où il y a vécu.

"Eglise de Hanhoffen" Huile sur panneau. 50x59cm. SbD et SbG. Collection particulière.
"Eglise de Hanhoffen" Huile sur panneau. 50x59cm. SbD et SbG. Collection particulière.
En 1970 il devient membre de l’Académie d’Alsace.
Il reprend aussi une activité de pédagogue : il regroupe autour de lui à Bischwiller quelques jeunes peintres, les conseille, leur permet de trouver leur propre style et expose avec eux à la Maison d’Art Alsacienne à l’Ancienne Douane à Strasbourg. (1980 – 82 – 84 ) Il s’agit de Charles Gunther ( 1944) Martin Gunther (1952 – 2010) de Bischwiller, Etienne Schmidt ( 1933) d’Oberhoffen ,Roland Jacob d’Offendorf et Pierre Clauss de Bouxwiller.

Il expose également très régulièrement en Allemagne : Bergzabern, Landau, Hambach, Karlsruhe, Edenkoben, Pirmasens, Siebeldingen.
A Landau également il donne des cours. La maison Striefler est ouverte à tous les artistes et à tous ceux que l’art intéresse. Tous les 15 jours il vient donner des cours de peinture aux membres de l’association « Heinrich – von – Zügel Freunde » dont il devient membre d’honneur en 1975. Heinrich von Zügel (1850 – 1941) est un peintre animalier de Munich qui a ouvert une école de peinture à Wörth am Rhein, il est classé parmi les impressionnistes, courant qu’il a découvert lors de ses voyages sur les côtes de Flandre et à Paris.

En 1980 grâce à cette association Steinmetz publie un fascicule « Das Kunstwerk » (l’œuvre d’art) dans lequel il cherche à définir ce qu’est une œuvre d’art et quels sont les critères qui permettent de la définir en tant que telle. Il repose son argumentation sur différents artistes ou courants artistiques reconnus : Bosch, Grunewald, Rembrandt, l’école vénitienne, le classicisme, l’art espagnol, l’école de Barbizon, le réalisme de Courbet, les impressionnistes, Cézanne, Gauguin, Van Gogh.

En janvier 1985 Elsa sa femme décède. Cette même année la ville de Bischwiller lui décerne la médaille d’or. Son activité de peintre, ses expositions, son enseignement se poursuivent tant en Alsace que dans le Palatinat.
Philippe Steinmetz décède le 10 mai 1987 à Landau, il est inhumé le 14 mai à Bischwiller dans la concession de la famille Baumer toute proche de celle de la famille de Paul Weiss

Une phrase du philosophe Taine résume en quelque sorte la démarche artistique de Philippe Steinmetz « La mode est l’échelon le plus bas de la hiérarchie des valeurs artistiques » .
Steinmetz s’est nourri des grands courants, de l’impressionnisme, du pointillisme, de l’expressionnisme mais celui que l’on appelle aussi parfois le Cézanne du Ried a voulu rester simple.
Pour lui l’artiste n’est qu’un intermédiaire qui « exprime son état d’âme » devant le « motif » à travers des couleurs , des traits ,des coups de pinceau aux contenus émotionnels .

"La cavalière" Huile sur panneau 81x65cm. SbD. Provenance : Galerie KIWIOR, Strasbourg. Collection particulière
"La cavalière" Huile sur panneau 81x65cm. SbD. Provenance : Galerie KIWIOR, Strasbourg. Collection particulière





Bibliographie :

Philippe Steinmetz Landau – Bischwiller Errinerungen aus einem Malerleben
Helmo Ludovici Barbelroth Dezember 1985
Philippe Steinmetz Katalog zum 90.Geburtstag und zur Austellung auf dem Hambacherschloss
Gesellschaft des Heinrich von Zügel Freunde Wörth am Rhein September 1990
Les peintres de l’Alsace autour de l’impressionnisme
Hélène Brauner éditions Renaissance du Livre 2003

Du bec à l’oreille
Claude Vigée éditions de la Nuée bleue 1977
Article des Dernières Nouvelles d’Alsace 17/ O5 /1987
Philippe Steinmetz et la Maison des Arts
Les echos de Bischwiller 2OOO
Affiches de Bischwiller
N°50 18 /12 /1948 un artiste bischwillerois à l’honneur à Tulle
N° 2 14/1/195O exposition de P. Steinmetz
Saisons d’Alsace N° 3 n°spécial 1950
50 années de peinture en Alsace
Bischwiller dans le rétroviseur ( 1970 – 1990 )
Charles Neuhart Publication des Amis du musée de la Laub 2006
Das Kunstwerk
Philippe Steinmetz publié avec le soutien du Heinrich von Zügel Freunde Verein 1975

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