Lucien Weil

Biesheim, 1902 - 1963, Saint-Brieux

« Femme à la coiffeuse »

Huile sur toile

Intérieur

46x38cm

Signature en bas à droite

Lucien WEIL Femme à la coiffeuse Huile sur toile (détail). Lucien Weil
Lucien WEIL "Femme à la coiffeuse" Huile sur toile (détail)
Lucien WEIL Femme à la coiffeuse Huile sur toile (avec son cadre). Lucien Weil
Lucien WEIL "Femme à la coiffeuse" Huile sur toile (avec son cadre)
Lucien WEIL Femme à la coiffeuse Huile sur toile (verso). Lucien Weil
Lucien WEIL "Femme à la coiffeuse" Huile sur toile (verso)

La couturière : Lucien Weil ou le réalisme magique

Lucien Weil est immanquablement un artiste alsacien dans la pure incarnation de la biculture, marqueur que nous avons observé chez maintes artistes de la région. Pourquoi un tel constat ? Nous soulignons tout simplement qu’un artiste vit dans un espace. Or, ses débuts sont immanquablement rhénans, à cheval entre la France, l’Allemagne et la Suisse. Cette courte digression est bien nécessaire afin d’apporter un peu de substance à la simple contemplation de l’une de ses œuvres, car chacune recèle des indices. Certains contemporains de l’artiste parlent « de magie colorée » ! Le mot est lâché.

Lucien Weil s’était installé très tôt dans les années vingt à Paris, un des centres de l’Art Déco européen qui était à la fois chic et élégant. Et nous retrouvons bien ce souci de parfaire l’ouvrage chez Lucien Weil. L’esthétisme y a une place et il triomphe dans une symphonie de couleurs. Ses couleurs sont savoureuses. Elles émoussent notre regard, comme pour nous faire lâcher prise.

Sa technique est sûre et son style est influencé par le postimpressionnisme. Par moment, on y décèle la palette chatoyante d’un Jules-Emile Zingg, mais aussi une ambiance métallifère typique d’une artiste comme Tamara Lempicka qui pousse à l’irréel dans laquelle les ombres s’apparentent à l’art cinématographique de ce temps.

Si la technique est indéniablement influencée par l’esprit français, c’est-à-dire une facture très libre et doucereuse, il y a quelque chose d'autre qui nous interpelle. Ses compositions voguent entre scène de genre, portrait ou paysage. Ce qui est très classique. Elles sont réalisées dans un esprit harmonieux, et très souvent dans un ton mystique, presque biblique. Lorsque Weil peint, il sacralise. Nous invoquons l'artiste nabis Maurice Denis qui peignit dans une verve christique comme nul autre pareil. Ceci n’est pourtant pas le fond que nous délivre Weil. Il est attaché à sa famille et à sa région. De nombreuses oeuvres en témoignent. L’influence régionale ne s’apparente pas systématiquement à reproduire l’archétype du folklore. C’est aussi se laisser s’imprégner de son espace et des influences culturelles qui bordent l’Alsace de par sa situation géographique. Depuis les années vingt, les artistes alsaciens lorgnaient régulièrement de l’autre côté du Rhin. Et pour cause, ils maîtrisent la langue et certains y ont fait leurs formations. Ils suivaient les idées et les batailles culturelles qui rongeaient l’Allemagne d’alors. Dans le cas de Lucien Weil, il existe une certaine proximité évidente avec le mouvement de la Neue Sachlichkeit (La Nouvelle objectivité). Ce mouvement est une contre-réaction à l’expressionnisme allemand et notamment l’école de Karlsruhe, à un pas de Strasbourg. En effet, ce mouvement prône le retour au réel, au quotidien, sans abandonner l’irrationnel. N’est-ce-pas ici l’empreinte qu’a laissé Lucien Weil dans son œuvre ? Il s’échappe pourtant de la dureté du mouvement de la Neue Sachlichkeit pour verser dans quelque chose de plus spirituel. Nous nous dirigeons alors dans ce que Franz Roh, critique d’art allemand, qualifiait de réalisme magique, un pan de l’art de cette époque intitulé littéralement « magischer realismus ». Bientôt ce mouvement quittait l’Allemagne et allait se répandre en Europe et ailleurs. Il est certain que Lucien Weil fut touché par ce mouvement. Avec sa palette, il produisait des compositions uniques inspirées de différents courants de l’art de ce temps.

C’est ainsi que nous retrouvons dans son œuvre le réalisme magique qui continue encore de nos jours à influencer des artistes contemporains. Cet art est une passerelle entre le quotidien et le symbolisme, entre l’ordinaire et le surréalisme. Oui Weil peignait le quotidien, la banalité d’une chambre, l’ouvrage d’une femme assise à coudre une robe. Mais au-delà de la scène, il y a des portes qui invitent à l’évasion ! Nous apercevons dans cette oeuvre un demi-visage depuis le miroir et un bout de la pièce, une intense lumière à l'essence biblique irradie la composition, et dans le coin du mur ce grand-père dans son cadre en bois qui s’anime comme pour entrer dans la scène. Lucien Weil sacralise cet instant immémorable que nous avons tous vécu.

Lucien Weil quitte ainsi la Neue Sachlichkeit pour rejoindre des artistes mystiques comme Vermeer. Cette œuvre nous rappelle « La laitière », que cette composition suggère subtilement de par les tons et la composition globale de l’œuvre. Mais ajoutons que celle-ci nous invite également à penser à l’artiste américain Edward Hopper, ce maître de l’intime et de la contemplation. La touche, les tons et la composition nous rapprochent de cette plastique moderne. A nouveau, l’aspect cinématographique de l’œuvre de Weil ressurgit et nous fait comprendre le grand soin qu’il avait de la composition. A l’observation, chaque objet est judicieusement placé. Les champs se succèdent savamment pour nous laisser l’impression de rentrer nous même dans la scène et de voguer à l’intérieur de la pièce. Un Alfred Hitchcock n’aurait pas fait meilleur cadrage.

Le triptyque de la technique, de la couleur et de la composition, nous délivre une œuvre harmonieuse. Avec l’œuvre de Lucien Weil, nous sommes attirés dans les limbes de la réalité insaisissable et pourtant visible. Nous sommes touchés par le réalisme magique qui nous fait tomber dans une contemplation hallucinée. Celle-ci évoque de-ci un rêve, de-là un souvenir voire une vision, celle juste avant le saut vers le surréalisme … Bon voyage.

RCS STRASBOURG TI 525 048 492 - Neustadt Galerie - Galerie Kiwior - 28 Avenue de la Marseillaise - 67000 Strasbourg France - contact@neustadtgalerie.com - Mentions légales
mots clefs :

XXX